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" À l’ombre du manguier " de Geneviève Lemay + entrevue

Récit :

À la manière des grands contes africains, voici l’histoire de trois destins chargés d’ambitions, qui se croiseront dans des villages isolés de la Guinée. Fatima s’est cachée pour pleurer parce qu’elle ne veut pas l’enfant qui grandit en elle. Mordue par un serpent venimeux, elle accédera au monde spirituel des marabouts, qui connaissent les secrets pour purifier les âmes. Elle trouvera un mari et ensemble, ils traceront un destin mythique et surprenant. Wallid quitte son village natal en quête d’une nouvelle vie. Il ne veut plus vivre près de son frère tyrannique et marche jusqu’à la piste où il pourra prendre le taxi-brousse. C’est là que débutera son exil, point de départ d’un périple où toutes ses certitudes seront ébranlées. Aïssétou réfléchit à la chance qu’elle a. Aucune autre fille du village n’a pu continuer ses études comme elle. Elle sait qu’elle fera l’envie de tous. Elle aura accès à la richesse et aux grands du pays. Elle espère trouver un mari digne d’elle. Mais elle ne sait pas ce qui attend les filles comme elle, considérées comme impures…

Avis :

Le parcours de Geneviève Lemay est unique. Peu de femmes peuvent se vanter d’avoir vécu ce qu’elle à vécu durant six mois en Guinée. Son roman est accrocheur, dépaysant, mais aussi très touchant. Son regard très humain sur cette partie de l’Afrique, nous fait largement réfléchir sur notre quotidien, où la richesse est presque omniprésente.

C’est plus qu’un roman, c’est un voyage qu’elle nous offre en Guinée. On y découvre le quotidien de ces hommes et femmes, les moeurs et les coutumes que nous connaissons. Aussi, elle apporte une vision très réelle de leurs quotidiens. Comme peu d’auteurs au pays, elle a réussi à réaliser un roman aux saveurs journalistiques.

J’espère ne pas attendre une seconde fois un neuf ans d’attente avant son prochain roman, car vous serez comme moi sous le charme de cette auteure et de son style littéraire si particulier et unique. Pour un premier roman, elle signe une oeuvre qui pourrait être lue en dehors de nos frontières, car les européens tomberaient aussi sous l’admiration de son récit.

Retenez ce nom : Geneviève Lemay. Elle risque de provoquer de très belles surprises encore dans les années à venir.

Une auteure que je vais suivre de très près.

Magnifique!

Auteure :

Moi Livre Geneviève Lemay est née à Alma, au Lac-Saint-Jean. C’est au cours de ses études en anthropologie à l’Université de Montréal qu’elle effectue un stage d’études en République de Guinée. Elle reste toujours aussi passionnée de l’ailleurs, de l’autre et de sa culture. Elle a travaillé pendant plusieurs années en marketing dans le milieu de la communication. Elle réside à Québec.

Blogue de l’auteure : http://genevievelemay.blog.com

Références :

Titre : À l’ombre du manguier
Auteure : Geneviève Lemay
Éditeur : Guy Saint-Jean éditeur
ISBN : 978-2-89455-293-3
Prix : 22,95 $

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Entrevue avec Geneviève Lemay

Native d’Alma, au Lac-Saint-Jean, l’auteure Geneviève Lemay, est venu proposer à sa ville natale son premier roman « À l’ombre du manguier » sorti chez Guy Saint-Jean éditeur. Rencontrer cette femme remplie d’énergie, c’est comme si on rencontrait une amie que l’on avait plus vu depuis des années et dont on prend de ces nouvelles.

Je l’ai rencontré à la bibliothèque d’Alma, avant de donner une entrevue pour Télé Cogéco, en m’avouant que j’étais le premier journaliste qu’elle rencontrait pour la sortie de son roman, avant son marathon médiatique de quelques jours dans la région. Une très belle rencontre humaine et littéraire.

Si vous souhaitez assister à son lancement à Alma, il aura lieu le jeudi 6 novembre à 19h30. Venez nombreux.

Bonne lecture !
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MiQ : D’où est partie l’idée de ce roman?
Geneviève Lemay : Cela vient d’abord de mes études en anthropologie à l’Université de Montréal, j’ai eu l’occasion d’aller en Afrique. Rendue en République de Guinée, je vivais toute sorte d’expérience, je prenais beaucoup de notes anthropologiques pour éventuellement faire des recherches en ethnographie. Finalement, une fois sur place, j’ai eu envie d’écrire un roman. Je trouvais que cela était plus facile par ce mode d’expression d’écrire ce que je vivais., de démontrer les personnages, les sentiments. Cela permettait d’expliquer les choses beaucoup plus facilement.

MiQ : En Guinée, ce qui vous a marqué sont les mœurs sexuelles, l’excision, les croyances ancestrales et l’envers de la médaille des projets de développement international. Sont-ils tiraillés entre tradition et modernité?
Geneviève Lemay : C’est un métissage. Souvent ils vont dire qu’ils sont musulmans, mais un moment donner ils ont des grigris. C’est toujours un mélange des deux. Pour eux, la tradition et la modernité c’est comme un paquet cohérent, c’est comme nous avec le sapin de Noël. Nous disons que nous sommes catholiques, mais le sapin n’a rien à voir avec la religion catholique. Ils sont des choses qui appartiennent à la culture ancestrale qui est intégrée dans leur religion. Ils n’ont aucun contact avec la modernité, car ils n’ont pas la télévision et n’avaient aucun contact avec notre société. Quand je leur parlais de nous, c’était quelque chose d’impensable et inconcevable d’imaginer.

MiQ : Avez-vous eu un choc culturel?
Geneviève Lemay : C’est certain pour ma part. Un gros choc. Sans honte, cela m’a pris une bonne semaine avant d’être capable de rentrer en contact avec eux en me sentant à l’aise. Ils nous abordent, les femmes sont seins nus et un bol sur la tête et viennent me vendre du poisson. Elles ne parlent pas français et sur le coup on se demande quoi faire et comment agir. Après une semaine, une aisance s’installe et c’est normal. Je suis restée six mois pour une durée illimitée, mais après six mois, nous avons été expulsés du pays, ce qui est fréquent en Guinée. On s’attend toujours à ce problème d’expulsion.

MiQ : Les trois âmes perdues dont vous racontez leurs destinées, les avez-vous rencontrées?
Geneviève Lemay : Ce sont des modèles que j’ai pris. D’ailleurs, j’ai une vidéo d’une durée de 10 minutes, qui montre des images de mon expérience. Je me suis servi de leur quotidien pour écrire mon roman. Les gens que j’ai croisés sont devenus mes personnages. Souvent les histoires qui se retrouvent dans mon livre, ce sont des choses que j’ai vu ou vécu.

MiQ : Quel regard portez-vous sur ce pays en tant que Nord-Américaine?
Geneviève Lemay : C’est aussi un gros choc. Lorsque j’ai parlé avec mon conjoint, qui était déjà en Guinée pour préparer la maison, il m’avait dit : « Geneviève c’est très important avant de débarquer de l’avion, prépare-toi à rire. Parce que si tu ne ris pas, tu ne resteras pas deux semaines dans ce pays ». Il a fallu que je me motive pour prendre les évènements avec le sourire, parce que c’est un choc culturel. Côtoyer un esclave ou d’être avec quelqu’un dont on sait que le viol est proche, c’est très difficile. Il faut penser à passer outre cela.

MiQ : Quels sont vos rapports aujourd’hui avec la Guinée? Est-ce que vous y êtes retournées?
Geneviève Lemay : Depuis que je suis partie de la Guinée, je n’ai plus de contact avec ce pays. Quand on est expulsé, on n’a pas le temps de saluer les amis, nous devons partir, car notre vie est en jeu. Je n’ai pas salué personne, je n’ai eu le temps de rien faire et on est reparti pour le Canada.

MiQ : Avec le recul, quel regard portez-vous sur cette aventure?
Geneviève Lemay : J’aime beaucoup ce pays. J’ai un lien très fort avec ce pays, mais y retournée je ne suis pas certaine. Je suis rendu avec un certain niveau de sécurité, cela ne me tenterait plus de me mettre en danger, parce que tous les jours, je jouais avec ma vie. Il y avait les serpents, ou juste prendre la voiture était une chose saisissante. Ils n’ont aucun code la route, donc ils roulent comme ils le souhaitent et n’importe comment. Les ponts on ne sait jamais s’ils vont tenir, parce qu’ils ont été construits par n’importe qui, sans aucune connaissance de sécurité. C’est vraiment partir à l’aventure. J’ai été chanceuse, dans ma jeunesse j’étais fantassin, donc j’ai ressorti le soldat en moi, pour faire face à cela.

MiQ : Si quelqu’un aimerait acheter votre livre, comment le définiriez-vous?
Geneviève Lemay : C’est un voyage en Guinée. Quand je dédicace mon roman, j’écris toujours cela. Si les lecteurs souhaitent savoir ce qui se passe en Guinée, ils doivent lire mon roman. J’ai essayé de définir comment une personne se sent dans ce pays, ce que l’on apprend aussi.

MiQ : Comment sont les adoptions en Guinée?
Geneviève Lemay : On m’a offert beaucoup de bébés en adoption. Cela arrive assez fréquemment que les mères offrent leurs enfants à des inconnus, pour ainsi les élever et leur donner un meilleur avenir. Ils nous disent en Amérique, ils seront riches et auront plus de choses qu’ils ne pourraient en avoir ici. Ils ont une image très idéalisée de chez nous. Pour eux, les blancs sont des gens riches et c’est même un danger. Dès que l’on est en contact avec eux, ils pensent que nous sommes tous des Bill Gates et c’est normal. En Guinée, un salaire de 30 $ par mois, c’est considéré comme un gros salaire.

MiQ : Comment avez-vous travaillé sur ce roman?
Geneviève Lemay : Après avoir terminé ma recherche sur les rapports entre les femmes et les hommes, je n’avais plus rien à faire. Comme le temps était long, je cherchais une activité. L’idée m’est venue d’écrire un roman. Je l’ai écrit d’une façon très autodidacte, sans aucune technique, je n’avais non plus une structure de départ. Je suis allée au fur et à mesure. Il m’a pris presque neuf ans avant de le terminer. La plus importante partie fut écrite en 1999.

MiQ : Vos projets?
Geneviève Lemay : J’ai déjà un autre roman de commencé. Comme je ne voyage plus, le prochain sera différent de celui-ci. J’écris un roman qui se passe ici au Québec. En tant qu’anthropologue, j’ai une vision externe de notre population. Je vais essayer de définir un peu plus le Québec.

Copyright – Made in Québec – Jean-Luc Doumont – 2008
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Catégories :Novembre 2008
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